Les mouvements et périodes de Mercure et Vénus




La Terre est au centre, Mercure et Vénus tournent autour du Soleil selon le système d’Héraclide du Pont, 388-312 B.C.,
rapporté en Occident dès le haut Moyen Age par Martianus Capella, 360-428,
et populaire dans le monde celtique au temps de Merlin l’Enchanteur.
Ici un montage artistique associant le mage Gandalf dans Le Seigneur des anneaux et la représentation du système d'Héraclide du Pont in Cahiers de Science et Vie, juin 2017

Mercure ne s’écarte jamais du Soleil à plus de 28°, et Vénus à plus de 48°.
«C’est parce qu’elles tournent autour du Soleil» explique Héraclide du Pont. Platon qui était fort intrigué par la marche étrange de ces deux planètes fut subjugué par cette démonstration d’Héraclide le Pythagoricien, son disciple préféré, qui sera souvent nommé Héraclide le Platonicien.
Un héliocentrisme partiel ! Un deuxième centre dans l’Univers! Voilà de quoi effrayer Aristote qui pensait qu’un centre d’attraction doit être unique, sinon il faudrait admettre la pluralité des mondes.


Très belle image du songe de Scipion selon les Commentaires de Macrobe, manuscrit Canon, Class. Lat. 257 folio IV, Bologne 1383 In Medieval Views of the Cosmos by E. Edson & E. Savage-Smith, 1997, Edition Bodleian Library, University of Oxxford.

Le songe de Scipion de Cicéron. Vous le croyez douillettement couché dans son lit mais Scipion Emilien songe, il s’est élevé rejoindre son aïeul Scipion l’Africain jusqu’au plus profond des étoiles de la Voie Lactée. Il y vit des merveilles : «des étoiles d’une grandeur insoupçonnée, et jamais aperçues d’ici-bas». «La plus petite de toutes (le Soleil) est celle qui… la plus éloignée du ciel… se trouve la plus voisine de la Terre». Scipion a une vue imprenable sur le système solaire, vous pouvez voir, à gauche, les 5 planètes sont toujours dans l’ordre héliocentrique. «Le Soleil - dit-il - chef, roi, modérateur des astres errants, âme et régulateur du monde…est suivi des deux sphères de Mercure et de Vénus qui semblent lui faire escorte».

«La Terre lui parut si petite qu’elle lui fit pitié». «Il discerne les deux pôles aux extrémités du globe… et les deux zones habitables dont la zone australe où ceux qui habitent n’ont rien de commun avec votre race et poussent des pas opposés à vous… (les antipodes)».

La mandorle, cette courbe en forme d’amande, est ici la Voie lactée. C’est rare. Sur les portails des églises romanes, la mandorle qui entoure le Christ pantocrator dessine le plus souvent l’écliptique, elle est accompagnée, comme à Conches, du Soleil et de la Lune


Cicéron, 55 B.C., in la République, 6e livre, Le Songe de Scipion, entretien supposé de Scipion l’Africain en 128 B.C. Librairie Hachette, Paris, 1853. Deux traductions françaises, l’une littérale, juxtalinéaire, présentant le mot à mot français en regard des mots latins et l’autre correcte et précédée du texte latin, par une Société de professeurs et de latinistes.

Les observations montrent que Vénus est l’étoile du matin jours l’étoile du soir pendant 292 jours (période synodique de 584 jours) et comme cette planète accompagne le Soleil on en déduit qu’en moyenne elle effectue grossièrement un tour dans le zodiaque en 1 an comme le Soleil. Comment les grecs et les mayas, sans algèbre, sans trigonométrie et sans vecteurs, ont-ils pu découvrir que Vénus effectuait un tour, 360°, autour du Soleil en 225 jours. on peut imaginer une représentation graphique sur le sol et un suivi continu de semaine en semaine. On imagine au départ le ciel en profondeur et Vénus effectuant un cercle autour du Soleil, tantôt plus éloignée tantôt entre le Soleil et nous. Après une élongation maximum on tient au chaud deux hypothèses : va t’elle venir par devant ou s’éloigner par derrière il faut attendre pour s’assurer du sens de déplacement. On dispose aussi d’un joker dont on va parler dans cette page : le passage de Vénus, de sa conjonction lointaine avec le Soleil à son élongation maximum, s’effectue en 221 jours tandis que le retour de l’élongation maximum à la conjonction par l’avant s’effectue en 71 jours. Dès lors c’est de la patience, sur 8 ans, pour suivre et accumuler toutes ces positions successives de Vénus en profondeur dans l’espace et compter le nombre de tours effectués en 8 ans.

Ici nous avons reporté 26 positions clés de Vénus et du Soleil. Les deux graphiques qui se suivent se lisent ligne après ligne, une ligne par année soit un cycle total de 8 ans. Pour chaque dessin, la Terre est fixe au centre, les étoiles sont fixes à la périphérie, c’est à dire que c’est toujours le même signe du zodiaque qui est situé au-dessus de la Terre dans ce graphique. Le Soleil décrit le cercle noir autour de la Terre, et Vénus un petit cercle autour du Soleil, tantôt plus proche de la Terre tantôt plus éloignée.

En chiffres noirs, à la fin de chaque ligne, de chaque année, le Soleil est revenu se positionner dans le même signe du zodiaque (au dessus de la Terre) ce sont les chiffres 1,2,3,4 en couleur noire et 5,6,7,8 sur la deuxième graphique. Des étapes «noires» faciles à décompter.



En chiffres bleus I, 2, puis 3, 4 et 5 on retrouve l’alignement Terre-Soleil-Vénus quand Vénus qui était visible le soir après le coucher du Soleil devient visible le matin, avant son lever. Ces étapes «bleus » sont faciles à observer et à conclure : 5 allers-retours devant le Soleil en 8 ans soit une période synodique de 584 jours pour Vénus. Celle de Mercure est de 116 jours.

Enfin en chiffres rouges,1,2,3,4,5,6 et 7,8,9,10,11,12,13, Vénus est ici au-dessus du Soleil, ce sont les étapes intermédiaires que l’on cherchait, quand Vénus, à 13 reprises en 8 ans, Vénus aura effectué 1 tour autour du Soleil, revient «au Nord» du Soleil dans ce graphique.

La dernière étape, 8-13-5, permet de conclure qu’en 8 ans Vénus a effectué 13 tours autour du Soleil et qu’à 5 reprises nous l’avons vu passer d’un côté à l’autre du Soleil et revenir ; 13 tours autour du Soleil en 8 ans soit 1 tour en 225 jours. On dit aujourd’hui que la période sidérale de Vénus est de 225 jours, celle de Mercure de 88 jours.

Comme le montre le graphique ces 26 étapes ne sont pas régulièrement espacées au cours de l’année.

Les plus malins qui connaissent le résultat peuvent dire : c’était évident 8+5, ça fait 13. Mais on n’ajoute pas si facilement les périodes synodiques et les périodes sidérales. Si au lieu d’une planète inférieure comme Vénus nous avions eu une planète supérieure comme Mars, Jupiter ou Saturne, il eût fallu, avec les mêmes valeurs faire 8 moins 5, et nous eussions trouvé 3 et non 13.

Les petits dessins en haut à gauche ressemblent un peu aux nôtres, mais l’ensemble est plus esthétique.

Les mayas connaissaient la révolution synodique de Vénus, 584 jours, et, chose merveilleuse, sa révolution sidérale : 225 jours. Ils attribuaient le nombre 13 à Vénus et 8 à la Terre



L'image de gauche est un fac-similé, Hermann 1927, de l’édition originale du système héliocentrique de Copernic. Le Soleil est au centre et Vénus tourne autour en 9 mois, une période connue depuis des siècles.

Sur une page ci contre, Copernic cite abondamment les astronomes grecs… on retrouve ici les noms d’Héraclide, d’Ecphantus le Pythagoricien, de Nicétas de Syracuse, de Philolaos le Pythagoricien, de Platon…et bien d’autres encore rabâches au cours de cet ouvrage. Comme une belle histoire qui reprendrait vie après un long sommeil.



Ci contre, on imagine le ciel comme un plafond plat en oubliant que Vénus décrit un cercle autour du Soleil tantôt plus éloignée tantôt plus proche. Vénus met 221 jours (en violet) pour s’écarter au maximum du Soleil, et elle revient en 71 jours (en orange), un temps 3 fois plus bref.

A droite, l’explication d’Héraclide: Vénus décrit un cercle autour du Soleil. Elle parcourt un arc de 136° (en violet) jusqu’à son élongation maximale, puis les 44° restant (en orange), un chemin 3 fois plus court.

Dès le IVe siècle av. J.C., l’héliocentrisme partiel d’Héraclide du Pont avait définitivement résolu l’élongation maximale de Mercure et de Vénus.

«Le Soleil, essentiellement chaud, est le foyer du monde, le cœur de l’Univers, à cause de son mouvement, de son volume et de la course commune des astres qui l’environnent» selon Héraclide le Platonicien cité par Théon de Smyrne et Adraste d’Aphrodisias.

Aristote maudit «cet Héraclide et ces pythagoriciens qui font de la Terre un de ces astres, tournant autour du Soleil».


Duhem Pierre , 1913, Le système du monde, Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, en 10 volumes, édition Librairie scientifique Herman.
Cicéron, 55 B.C., in la République, 6e livre, Le Songe de Scipion, entretien supposé de Scipion l’Africain en 128 B.C. Librairie Hachette, Paris, 1853.
 



Vénus et Mercure, «les compagnons du Soleil» pour Cicéron, «les satellites du Soleil» pour Martianus Capella.


Le Boeuffle André, 1998, Martianus Capella, Astronomie, aux éditions Burillier, 1998.
Duhem Pierre , 1913, Le système du monde, Histoire des doctrines cosmologiques de Platon à Copernic, en 10 volumes, édition Librairie scientifique Herman.

«Le Soleil est entouré par le cercle de Mercure, qui à son tour est entouré par le cercle de Vénus» selon Amboise Macrobe.

«Vénus et Mercure ne se meuvent point autour de la Terre» selon Martianus Capella comme le rapporte André le Boeuffle*.


André le Boeuffle Capella Martianus, fl 470, De astronomia in Les Noces de Philologie et de Mercure, première traduction en français et commentaires par André Le Boeuffle, sous le titre Astronomie, aux éditions Burillier, 1998.



Le schéma de Ptolémée fait, à tort, tourner Mercure et Vénus autour de la Terre. On n’a pas, hélas, pu sauver les schémas d’Héraclide du Pont et de son Ecole dont les textes ne laissent aucun doute et font tourner Mercure et Vénus autour du Soleil.

Récemment j’ai retrouvé par hasard cette représentation sur internet, en provenance de la Bibliothèque municipale de Boulogne sur mer qui possède ce scoop extraordinaire, gravure ou enluminure, qui illustre une magnifique édition du système d’Aratus. Ce serait le premier dessin du système semi héliocentrique d’Héraclide du Pont.

L’artiste anonyme du XIe siècle qui a réalisé cette enluminure avait lu et compris le texte d’Aratus du IIIe siècle avant notre ère. Un anonyme à l’art délicieux, et qui mériterait une médaille scientifique. C’est un scoop, premier du genre il montre les cercles de Mercure et de Vénus autour du Soleil.

Le système semi héliocentrique d’Héraclide s’est répandu sans discontinuité du monde grec au monde latin, des chrétiens d’Orient aux chrétiens d’Occident, et durant tout le moyen âge.

Pas de doute, cet extrait du quadrivium d’Astronomie montre qu’au XIIIe siècle les nombreux étudiants de l’Université de Paris apprenaient le semi héliocentrisme des Pythagoriciens, mais aussi les excentriques et les épicycles de Ptolémée transmis par les Ecoles Arabes de Bagdad à Cordoue et Tolède.



Image : Cosmographie de Bartolomeo Velho, 1568, BNF Paris, in Figures du Ciel de Marc Lachièze-Rey & Jean Pierre Luminet. Ed Seuil.

Quelques années après Copernic, en 1568, Bartolomeo Vehlo reprend les mêmes valeurs que lui, les mêmes périodes héliocentriques, les mêmes échelles de distances, et une belle iconographie … mais il fait tourner les planètes, y compris Mercure et Vénus autour de la Terre. C’est une chimère, une contradiction invraisemblable.

Le système semi héliocentrique d’Héraclide du Pont, 388-312 B.C., fut rapporté en Occident dès le haut Moyen Age, notamment par Martianus Capella, 360-428, consul de Carthage pour les uns, avocat pour d’autres. L’astronomie de Martianus Capella fut inclue dans son encyclopédie des arts libéraux intitulée Noces de Philologie et de Mercure, ce texte d’astronomie très populaire au Moyen Age en Occident sera cité par Copernic dans son De revolutionibus orbium coelestium. Il a été traduit en Français pour la première fois en 1998 par André Le Boeuffle, Université d’Amiens, spécialiste de l’astronomie antique. De manière simple mais complète Capella rapporte de beaux morceaux choisis de l’astronomie grecque : Mercure et Vénus tournant autour du Soleil, l’inégalité de la durée des saisons, la dimension de la Terre, la distance de la Lune, les signes de la Vierge et de la Balance qui se lèvent en 2h40m et se couchent en 1h20 et les cycles des éclipses : le saros de 18ans et l’exeligme de 54ans couvrant 3 saros. Visiblement Martianus Capella avait eu connaissance des Phénomènes astronomiques de Géminos de Rhodes.
L’encyclopédie intitulée Noces de Philologie et de Mercure annonce les universités du Moyen Age avec le quadrivium incluant l’enseignement de l’astronomie et de la musique. Son titre est une allégorie de l’enseignement des sciences : Philologie était une mortelle qui, avec une curiosité inlassable consacrait ses veilles à l’étude. Quand son œuvre studieuse atteignit l’apothéose, Mercure, le dieu des sciences, l’éleva au rang des dieux et la prit pour épouse. Hersart de la Villemarqué, membre de l’Institut, cite Martianus Capella pour son œuvre musicale dans le Barzaz Breiz, 1839, recueil des chants populaires de Bretagne et dans la Légende celtique, 1868, consacrée à la vie de Saint Hervé, 520-568, ermite et barde breton. Cet aveugle de naissance à la voix d’or qui jouait de la harpe avait hérité par son père de vieux airs gallois, il composa des cantiques en langue bretonne, tel Ar Baradoz, le Paradis, enseigna la musique dans les écoles et uniformisa le chant dans les églises bretonnes. Assurément la légende de Merlin l’enchanteur a un fondement historique, le Moyen Age ne mérite pas sa réputation d’obscurantisme, il fut un lien entre l’astronomie grecque et latine et la découverte de l’héliocentrisme par Nicolas Copernic en 1543.