Le plan de l'orbite lunaire, incliné de 5°, précesse en 18,6 ans



Chacun sait qu’à nos latitudes le Soleil monte au plus haut dans le ciel au solstice d’été, plus bas au solstice d’hiver. Au néolithique on savait aussi que pour la Lune c’est l’inverse. En effet, l’hiver, lors des Pleines Lunes, elle préside à ces nuits interminables, du crépuscule à l’aube, et vient culminer au méridien au milieu de la nuit. 
C’est en scrutant l’azimut des couchers de la Lune, que les Anciens, plus attentifs que nous aux événements du ciel, s’étaient aperçu des mouvements variés et inattendus de la Lune. 
Alors que le Soleil se couche toujours le soir, et à peu près à la même heure, la Lune se couche tantôt de nuit, tantôt de jour, des couchers qui, se décalent de près d’une heure d’un jour à l’autre. 
Alors que le Soleil, effectue lentement un aller-retour du sud-ouest (solstice d’hiver) au nord-ouest (solstice d’été) en 1 an, la Lune balaye rapidement ce secteur en 27 jours
Alors que le Soleil balaye chaque année le même secteur d’amplitude constante sur l’horizon du sud-ouest au nord-ouest, la Lune explorera chaque mois un secteur d’amplitude différente qui, certaines années, sera 25% plus large que celui du Soleil, et, d’autres années, sera 25% plus étroit selon un cycle de 19 ans (18,6) connu depuis l’Age du bronze. On retrouve ces cycles périodiques et ces azimuts privilégiés dans les monuments mégalithiques tels Stonehenge, Carnac ou Chankillo dans les Andes. L’historien grec Hécatée nous rappelle qu’ils étaient connus de Pythagore. Aujourd’hui, privés du temps nécessaire pour méditer, contempler, observer et mesurer les phénomènes célestes, nous avons oublié ces curiosités toutes simples ; les étudiants en sciences les ignorent souvent et même parfois les astrophysiciens du CNRS.


La Lune est-elle malicieuse !…la pauvre, tiraillée entre la Terre et le Soleil. C’est le problème des 3 corps, un mouvement très complexe qui fit souffrir Newton, Clairaut, d’Alembert, Euler, Laplace, Poisson, Le Verrier. Chacun apporta sa pierre avec, en apothéose, en 1860, la Théorie du mouvement de la Lune de Charles Delaunay, 883 pages de calcul. A elle seule l’équation de la fonction perturbatrice a 137 pages, 461 termes…voici le 23e choisi au hasard. Une équation qui a pu être vérifiée avec les ordinateurs les plus puissants des années 90.

Depuis lors, Jacques Laskar, astronome au Bureau des longitudes, a montré l’importance primordiale de la Lune, notre imposant satellite, qui joue pour notre planète Terre un rôle de stabilisateur et empêche l’axe de la Terre de basculer. Seulement une légère oscillation de 22° à 24°30’ d’inclinaison en 41 000 ans ; une fluctuation minime qui contribue néanmoins aux grandes périodes climatiques mais qui permet une certaine stabilité indispensable à la vie sur Terre ; les autres planètes de notre système solaire n’ont pas la chance d’un satellite aussi massif par rapport à nous.

La Terre est située au centre. 
Le Soleil tourne dans l’écliptique, le cercle surligné en jaune, en 1 an. 
La Lune tourne dans un plan incliné de 5°sur l’écliptique, le cercle surligné en vert ; elle effectue un tour et revient au nord de l’écliptique, du côté de la constellation du Dragon tous les 27,212 jours (le mois draconitique) ; 
La Lune va donc effectuer 13,4 tours pendant que le Soleil parcourra les 12 signes du zodiaque. (1)

(1) A lire : Les éclipses, Paul Couderc, 1961, éd. Que sais-je ?



Le plan de l’orbite de la Lune tourne lentement. Il demeure toujours incliné de 5°, il tourne ou précesse, mais ne bascule pas. 
Ainsi, l’orbite de la Lune ne se reboucle pas, elle n’est ni fermée, ni plane
A chaque retour de la Lune au Nord de l’écliptique, c’est-à-dire tous les 27,212 jours (mois draconitique), le plan de l’orbite de la Lune précesse de 1°5, valeur moyenne qui peut varier du simple au double. Cette précession s’amenuise et devient presque stationnaire, quand le Soleil et la Lune se croisent sur la ligne des nœuds, intersection des deux plans, tous les 173,31 jours. 
Cette rencontre du Soleil et de la Lune au voisinage d’un nœud est une condition nécessaire des éclipses. Une condition un peu floue, car en toute rigueur Terre et Lune doivent être exactement dans l’axe du Soleil. 
Au terme de 18,6 ans le plan de l’orbite lunaire aura effectué 1 tour : la Lune sera revenue à 250 reprises au nord de l’écliptique (mois draconitique de 27,212 jours), et sera repassé à 249 reprises devant la même étoile (du moins à la longitude écliptique de cette même étoile) (mois sidéral de 27,321jours). Un cycle de différence car le plan a fait un tour. (1)

(1) A lire : Les éclipses, Paul Couderc, 1961, éd. Que sais-je ?

Eudoxe de Cnide, élève de Platon, fondateur de l’Ecole et de l’Observatoire de Cnide, expliqua ce mouvement de précession du plan de l’orbite lunaire comme un mouvement de toupie, ainsi, l’axe de ce plan décrit un cône de 5° de rayon autour de l’axe de l’écliptique.

Une démonstration de toute simplicité et beauté, propre au génie de la Grèce. Examinons les répercussions de ce mouvement de toupie :  

  • Méandres et entrelacements des trajectoires de la Lune dans la bande de l’écliptique
  • Mouvements périodiques sinusoïdaux des azimuts de la Lune lors de ses couchers. (1)

(1) A lire : Les éclipses, Paul Couderc, 1961, éd. Que sais-je ?



La constellation du Dragon selon le célèbre Atlas caelestis de Flamsteed, 1730, ici réédité, en 1795, par Pierre-Charles Le Monnier et Charles Messier (André le Boeuffle éd. Burillier). 
Les entortillements et boucles du Dragon enlacent l’étoile oméga du Dragon placée au pôle de l’écliptique et du système solaire. 
En couleur verte le cône de 5° de rayon décrit en 18,6 ans par l’axe du plan de l’orbite lunaire. 
L’inclinaison de l’axe de la Terre, 23°5, est l’angle d’intersection entre «le plan de l’équateur» et «le plan de l’écliptique» qui se coupent aux points d’équinoxes. Cette «ligne des équinoxes» fait un tour dans le zodiaque en 26 000ans.  
Nous l’avons vu, «le plan de l’orbite lunaire» est incliné de 5° sur «le plan de l’écliptique» ; l’intersection de ces deux plans se nomme la «ligne des nœuds», elle fait un tour en 18,6 ans. A deux reprises en 18,6 ans la «ligne des nœuds», sera orientée parallèlement à la «ligne des équinoxes». Alors les deux angles de 23°5 et 5° s’ajouteront ou se retrancheront arithmétiquement : la Lune s’écartera alors jusqu’à 28°5 de l’équateur, et, 9,3 ans plus tard, jusqu’à 18°5 seulement.

Voici la position des 12 signes du zodiaque. A tout moment de la nuit 6 d’entre eux sont au-dessus de l’horizon. Certains signes sont plus longs à se lever et plus rapides à se coucher, pour d’autres c’est l’inverse, mais toujours 6 d’entre eux sont au-dessus de l’horizon. Au cours des longues nuits d’hiver comme au cours des brèves nuits d’été on voit toujours 11 signes du zodiaque en cours de la nuit ; le seul que l’on ne voit pas est celui où se trouve le Soleil ce mois-là.
Il est très difficile de trouver l’orientation de l’écliptique dans le ciel car elle change au cours de la nuit, par exemple : du Sud-Ouest au Nord-Est en début de nuit, puis d’Ouest en Est, et enfin du Sud-Est au Nord-Ouest en fin de nuit 
Pour identifier le tracé de l’écliptique, une ligne fictive, les astronomes se positionnent face au Sud et essayent de visualiser d’abord le tracé de l’équateur : fixe, d’Est en Ouest, et à hauteur moyenne dans le ciel. Il est alors plus aisé de rechercher les 6 signes Poissons-Bélier-Taureau-Gémeaux-Cancer-Lion que l’on sait être situés au-dessus de l’équateur, à des déclinaisons positives, puis les 6 autres Vierge-Balance-Scorpion-Sagittaire-Capricorne-Verseau situés au-dessous, aux déclinaisons négatives. 
La large bande plus sombre des 12 signes du zodiaque s’étend sur 15° de large, la Lune pour sa part, en 18,6 ans, va explorer progressivement une bande de 10° de large, ici cernée par les deux lignes de couleur turquoise.         
L’Enûma elish, le poème assyrien de la création des astres, 1500 à 1000 ans avant notre ère traçait la ligne de l’écliptique avec 36 étoiles, 3 par signe du zodiaque. Les différents itinéraires suivis par la Lune selon les années ne pouvaient leur échapper : 10° d’écart au total c’est beaucoup. On le voit ici à l’échelle des étoiles d’Orion : les 3 Rois, Rigel, la Bleu, type spectral B8, et Bételgeuse, la Rouge, type spectral M2.



  • En haut, colorié en jaune, l’itinéraire du Soleil, c’est le plan de l’écliptique par définition, les autres planètes s’en écartent assez peu la Lune davantage, de +5° à -5°, tantôt au-dessus, tantôt au dessous. 
  • Au centre on peut lire, de droite à gauche, un itinéraire de la Lune qui débute ici quand elle franchit l’écliptique, en ascension vers le Dragon : latitudes positives +1, +2, +3, +4, +5, +4, +3, +2, +1, passage descendant de l’écliptique, latitudes négatives -1, -2, -3, -4, -5, -4, -3, -2, -1, et retour sur l’écliptique au bout 27,212 jours, mois draconitique, mais sans avoir encore parcouru tout le zodiaque. 
  • En bas le parcours s’achève lors du retour devant les mêmes étoiles au bout de 27,322 jours, mois sidéral. 

Dans les «Goal years texts» babyloniens, établis sur des siècles, les périodes draconitiques, 27,212 jours, et sidérales 27,322 jours de la Lune étaient déjà connues avec cette précision. Dans leur usage des nombres entiers, ils disaient qu’après 6803 jours la Lune avait effectuée 250 révolutions draconitiques et 249 sidérales, soit 1 tour de différence dans l’écliptique, un tour couvert en l’autre sens par le «plan de l’orbite lunaire» en 18,6ans. (2)

(2) : A lire : A History of Ancient mathematical Astronomy, 1975, par Otto Neugebauer, en 3 volumes, 1349 pages et 619 figures, édition Springer-Verlag

  • Première image. On a pris comme point de départ, la fameuse année où la «ligne des nœuds» de l’orbite lunaire est parallèle à la «ligne des équinoxes». Cette année-là, le jour de chaque mois où elle atteint sa plus forte latitude écliptique, +5°, la Lune traverse alors le signe du zodiaque situé à +23°5 de déclinaison soit à la charnière des signes du Taureau et des Gémeaux (pour notre millénaire en raison de la précession de la ligne d’équinoxes).
  • Deuxième image, 27,2 jours plus tard, quand la Lune atteint sa latitude écliptique maximum (+5°) elle est légèrement en amont dans le zodiaque, décalé de 1°5 en moyenne, dans le signe du Taureau.
  • Troisième image, 1,5ans plus tard, après une vingtaine de tours désormais, quand la Lune atteint alors sa latitude écliptique maximum (+5°) elle s’est décalé d’un signe du zodiaque entier ; sa déclinaison est légèrement moindre 28°au lieu de 28°5°.

Les Anciens ne pouvaient manquer d’observer que la Lune revient à sa plus forte hauteur dans le ciel le jour du mois où elle revient dans la constellation située à +23°5 de déclinaison, soit aujourd’hui entre Taureau et Gémeaux en raison de la précession des équinoxes.



  • Première image, c’est la position de départ : la Lune chaque mois oscille entre les déclinaisons extrêmes +28°5 et ainsi plusieurs mois de suite puisque son plan ne se décale que de 1°5 par 27 jours et 1 signe du zodiaque en 1,5 ans.
  • Troisième image, 9,3 ans plus tard. La Lune est désormais à sa plus basse latitude écliptique, -5°, quand elle traverse les constellations du Taureau et des Gémeaux situées à +23°5 de déclinaison. Symétriquement elle est à sa plus haute latitude écliptique, +5°, quand elle traverse les constellations du Scorpion et du Sagittaire situées à -23°5 de déclinaison. En conclusion, cette année là, la Lune ne va jamais au-delà des déclinaisons +18°5 et -18°5.
  • Deuxième et quatrième images, phases en quadrature. Les années situées au quart et aux trois-quarts de ce cycle de 18,6ans (4,65 et 13,95 ans), la Lune évoluera entre +23°5 et -23°5 de déclinaison.

Sur la première image on peut que remarquer que la Lune vient occulter la brillante étoile Pollux (Delta= 28°16’) tous les 18,6 ans ; cette année-là, elle passera plus bas qu’Antarès l’étoile rouge située à la pointe de «l’éventail» du Scorpion.

Malheureusement, en plein ciel, la Lune, pleine ou gibbeuse, diffuse sa lumière et «éteint» la plupart des étoiles dans une zone de l’étendue d’un signe zodiacal ; il est donc difficile de suivre son parcours exact parmi les étoiles et connaître chaque nuit sa latitude précise.

C’est sur l’horizon que les Anciens, dès l’époque des monuments mégalithiques, ont pu découvrir que les variations de déclinaison de la Lune au cours de son cycle de 18, 6 ans et comprendre que sa déclinaison dépendait simultanément de sa latitude écliptique (de +5° et -5°), et de sa longitude écliptique, c’est-à-dire sa position dans le zodiaque ce jour-là.

Le graphique résume la situation. Il se lit de haut en bas, de 0 an à 18,6 ans. Nous avons marqué en couleur rouge un cycle sidéral de 27,3 jours qui marque le retour devant la même étoile. 



L’azimut des couchers de la Lune évolue très vite d’un jour à l’autre jusqu’à 8°6 d’un jour à l’autre à nos latitudes. Certaines années la Lune peut balayer plus de 90° d’horizon en 14 jours, ce qui n’avait pas échappé aux Anciens du néolithique.

Un spectacle varié, toujours inattendu, car la Lune, lorsqu’elle arrive à son élongation maximum aura n’importe quelle phase : «pleine»«au quartier»«nouvelle». La Lune était Nouvelle lors de son départ, ici choisi à l’ouest, au centre du graphique. C’est un croissant quand elle y revient après 27,32 jours. Elle ne redeviendra Nouvelle qu’après 29,53 jours, lors d’un nouvel aller-retour sur l’horizon.