Mois synodique, sidéral, anomalistique et draconitique



L’astronomie est née entre le Tigre et l’Euphrate, en basse Mésopotamie plusieurs millénaires avant notre ère. Cette civilisation Sumérienne ou Chaldéenne, avec son écriture cunéiforme, sa religion, ses sciences et ses arts, s’étendit aux peuples d’Assyrie et d’Akkad, au nord ; au premier millénaire avant notre ère, Ninive du nord, l’assyrienne, rivalisait avec la Babylone du sud, la sumérienne. Ces astronomes d’Uruk, Ninive, et Babylone tenaient des registres d’observations et leurs éphémérides prévoyaient les positions de la Lune et des planètes dans le zodiaque. Ces astronomes Chaldéens savaient calculer avec précision les déplacements fantasques de la Lune dans le zodiaque et prévoir les éclipses, ils sont à l’origine de l’astronomie, la plus ancienne des sciences. 
Ils connaissaient le mois synodique, 29,530 jours, qui marque le retour de la Lune devant le Soleil , le mois sidéral, 27,321 jours, qui marque le retour de la Lune devant la même étoile après avoir effectué un tour dans le zodiaque, le mois anomalistique, 27,554 jours, qui marque les passages de la Lune à sa vitesse maximum, 15° par 24 heures (la Lune est alors au « périgée », au plus près de la Terre, selon la loi des aires finalisée par Képler) et le mois draconitique, 27,212 jours, qui marque le retour de la Lune au nord de l’écliptique du côté de la constellation du Dragon. Comment pouvaient-ils avoir une telle précision à l’œil nu ? nous allons le voir. Nous découvrirons dans les pages suivantes que ces astronomes connaissaient même la précession du plan de l’orbite lunaire en 18,6 ans mais connaissaient-ils les légères oscillations de ce plan, tous les 6 mois, qui sont synchronisées avec les éclipses. 

Alors que les faces des pyramides égyptiennes sont exposées vers les points cardinaux, ce sont les angles des ziggurats de basse Chaldée qui sont tournées vers les mêmes angles ; citons aussi le temple de la métropole religieuse d’Éridou, le palais de Goudéa à Lagash et les ruines de la ziggurat d’Ourouk. La monumentale ziggurat d’Ur, l’une des plus anciennes, 2e millénaire, s’élève sur trois terrasses. Les ziggurat observatoires de Khorsabad, Sippar, Borsippa ou Uruk s’élevaient sur 7 niveaux correspondant aux 7 planètes déjà classées selon leur durée de révolution dans le zodiaque. Saturne, la plus lente et plus lointaine, 30 ans, était en bas, la première terrasse, puis Jupiter, 12 ans, Mars, 2 ans, le Soleil, 1 an, qui usurpait alors la place de la Terre, puis les terrasses de Vénus et Mercure, et dernière terrasse, la Lune, 1 mois, la plus proche de la Terre. Les 5 planètes étaient déjà classées entre elles dans le bon ordre héliocentrique, une merveille de l’astronomie chaldéenne. Ce classement adopté par Pythagore sera celui des astronomes jusqu’à Copernic, 1543, qui restituera au Soleil, notre étoile, sa place centrale et reclassera la Terre à la place laissée vacante, entre Vénus et Mars ; une Terre dotée désormais d’une rotation annuelle qui jusqu’alors était attribuée au Soleil. La Lune devenait un satellite de la Terre, une dernière particularité qui tombera quand Galilée découvrira que les autres planètes, i.e. Jupiter, avait aussi des satellites. 

Les ruines de Ninive furent découvertes en 1843 par Paul Botta, consul de France, à proximité du village de Khorsabad, non loin de Mossoul en Irak. Dans Villes retrouvées, 1885, Gabriel Hanotaux (1) rapporte que le long de murailles qui affleuraient des sables, Paul Botta mit au jour l’antique résidence de Sargon II, roi d’Assyrie ; ces magnifiques bas-reliefs et statues sont aujourd’hui au Louvre. Mais Ninive était fort étendue, en 1847, Henry Layard, un archéologue britannique, poursuivit les fouilles et découvrit dans le palais de Sennachérib 25 000 tablettes en écriture cunéiformes provenant de la bibliothèque Assurbanipal (668-627). Ce roi d’Assyrie avait rassemblé les œuvres littéraires et scientifiques de son temps, un trésor assyriologique inestimable précieusement sauvegardé au British Museum de Londres. 

En 1872, le premier déchiffrement de l’écriture cunéiforme avec l’épopée du héros Gilgamesh et une histoire de la Création et du Déluge un millénaire avant celle de la bible par George Smith (2), un assyriologue britannique, provoqua un émoi mondial. 


(1) Hanotaux Gabriel, 1885, Ninive et Babylone, Biblio. des Merveilles, éd. Hachette.
(2) Smith George and A, Sayce, 1875, The Chaldean Account of Genesis. 
Kramer Samuel Noah , 1957, L’Histoire commence à Sumer, Arthaud. 
Bottéro Jean et Stève M-J, 1993, Il était une fois la Mésopotamie, Gallimard. 


La ziggourat d'Our
Image in passerelles.bnf.fr

table de la lune
Tablette babylonienne des positions, phases et éclipses de la lune au cours du IIème siècle avant J.C.
Image in L'astronomie de Fred Hoyle, 1962, édition de Pont Royal.

Les textes astronomiques fondamentaux, éphémérides perpétuelles des planètes, 300 tablettes donnant les éléments d’orbites, révolutions synodiques et sidérales des planètes, et les premiers almanachs annuels, 1400 tablettes, prévoyant pour l’année à venir les possibilités d’éclipses, la visibilité des planètes et leurs conjonctions, furent déchiffrés à la fin du 19e par trois Jésuites :

Johann Strassmaier (1), orientaliste et assyriologue au British Museum, découvrit parmi les tablettes en écriture cunéiforme un grand nombre de textes astronomiques contenant des données mathématiques avec la date des mois lunaires, il en fit d’excellentes copies et traductions toujours en usage.

Strassmaier fit appel à Joseph Epping (2), professeur d’astronomie à Maria Laach près de Coblence qui déchiffra les idéogrammes des diverses planètes et publia, en 1889, L’astronomie à Babylone.

Après le décès de Joseph Epping, Franz Kugler (3), professeur d’astronomie à l‘Ignatius College en Hollande prit le relais et publia en 1900 la Théorie Babylonienne de la Lune, et en 1907 la Théorie Babylonienne des Planètes. Cet immense travail de déchiffrement de l’astronomie babylonienne fut poursuivi par Schaumberger (4), 1933, et Otto Neugebauer (5), 1975.


(1) Strassmaier Johann, S.J., et Epping Joseph, S.J. 1881, Déchiffrement des Tables astronomiques Chaldéennes.
(2) Epping Joseph, S.J., 1889, L’astronomie chaldéenne à Babylone. 
(3) Kugler Franz Xavier, S. J., 1900, Die babylonische Mondrechnung, et 1907, Sternekundeund und Sterndienst in Babel. 
(5) Neugebauer Otto, 1975, A History of Ancient Mathematical Astronomy pp. 347-555, plate 12, éd. Springer-Verlag, Berlin. 

Les remarquables travaux de ces assyriologues-astronomes, Strassmaier (1), Epping (2) et Kugler (3), ont renouvelé nos connaissances sur les méthodes de l’astronomie chaldéenne qui n’étaient que partiellement connues des astronomes grecs. Dès 1911 la Théorie Babylonienne de la Lune (1900) et des Planètes (1907) furent connus grâce Guillaume Bigourdan (6), astronome à l’Observatoire de Paris qui fit une excellente synthèse et montra comment l’astronomie grecque, à partir de l’astronome Callisthène et des conquêtes d’Alexandre le Grand à Babylone, sut recueillir les paramètres essentiels de ces éphémérides perpétuelles de la Lune et des planètes, enregistrées sans discontinuité durant près de 5 siècles, et qui furent indispensables aux travaux d’Hipparque et de Ptolémée. Plus récemment Paul Couderc (7), astrophysicien à l’observatoire de Paris, publia d’excellents Que sais-je ?, qui permettent de comprendre en détail les éclipses et les cycles du saros chez les chaldéens.


(6) Bigourdan Guillaume, 1911, L’astronomie, Evolution des Idées et des Méthodes, éd. Flammarion.
(7) Couderc Paul, 1945 Les étapes de l’astronomie, 1961 Les Eclipses,1974 Les étapes de l’astronomie, éd. Que sais-je ?, Presses Universitaires de France



Tablettes des éléments permettant de calculer les cycles lunaires, in A History of Ancient Mathematical Astronomy pp 347-557, plat 12, Edition Sringer-Verlag, Berlin.

Sur ce document de travail du British Museum présenté par Otto Neugebauer (5) figurent les noms des grands pionniers déchiffreurs de l’astronomie chaldéenne Epping et Kugler. Ces éphémérides perpétuelles qui permettent de calculer les levers et retours de la Lune comportent 18 colonnes alors que pour les planètes supérieures elles n’en comportent que 5 colonnes. On voit là toute la complexité du mouvement de la Lune : plus de la moitié des 300 tablettes astronomiques fondamentales y sont consacrées.

Pour les planètes supérieures, Mars Jupiter et Saturne, les éphémérides perpétuelles donnent les 5 dates cruciales (et les positions ces jours-là sur l’écliptique) qui définissent l’orbite de la planète : Gamma première visibilité le matin à son lever, Phi première station, Thêta opposition au soleil, Psi deuxième station, Oméga dernière visibilité le soir au coucher. Rappelons que, deux millénaires avant notre ère, les chaldéens connaissaient les stations et les rétrogradations des planètes supérieures et qu’à l’époque de Kidinnu, IVe siècle, ils savaient calculer et prévoir les conjonctions des planètes et même les triples conjonctions, assez rares, de Jupiter et de Saturne. Ces éphémérides perpétuelles tenaient compte du déplacement plus rapide des planètes dans certains signes du zodiaque, au périhélie (au plus près du soleil, hélios) et plus lent dans les signes opposés, à l’aphélie. Leurs vitesses suit en effet la loi des aires de Képler, ils en ignoraient l’expression mathématique savante mais avaient établi des tables de corrections du mouvement circulaire basées sur 5 siècles d’observation. Des tables de corrections soit en discontinu par secteurs angulaires dans le zodiaque et avec paliers de vitesses (fonction pas à pas), soit en continu, par secteurs avec gradient de vitesses (fonction zigzag).

Pour la Lune, au- delà des mêmes effets dus à la loi des aires, il faut tenir compte de la rotation de la ligne périgée-apogée qui tourne dans le zodiaque en 8 ans 310 jours, mais aussi de la précession du plan de son orbite qui tourne en 18,6 ans.

Le premier cycle lunaire connu fut le mois synodique de 29,53 jours qui marque le retour de la Lune devant le Soleil. Les chaldéens avaient adopté ce cycle comme base de leur calendrier : les mois de 29 jours alternaient avec les mois de 30 jours ; de temps en temps ils rectifiaient ce calendrier avec deux mois successifs de 30 jours de manière à cerner la valeur moyenne de 29,53 jours. La Nouvelle Lune était visible le 1er jour ou le 2e de chaque mois (car 29 et 30 sont des arrondis et 29,53 jours une moyenne 29,53 +/- 0,31 jours).

Les extraits ci-joints de tablettes cunéiformes, montrent que sous les Sargonides, dès les VIIIe et VIIe siècles, les astronomes-astrologues s’exerçaient à prévoir les éclipses et y réussissaient souvent avec succès. Les éclipses de Lune étaient prévues pour les 14e, 15e ou parfois 16e jour du mois qui étaient des jours de Pleine Lune dans leur calendrier. Ils tentaient même de prévoir les éclipses de Soleil, avec moins de succès car beaucoup plus difficiles à calculer, ils ciblaient leurs pronostics sur le moment supposé de la Nouvelle Lune (alors invisible car trop proche du Soleil), donc sur le 29e ou 30e jour du mois, dans leur calendrier. Nul doute que ce calendrier lunaire était un atout extraordinaire pour la surveillance des éclipses.

Au IVe siècle avant notre ère, Kidinnu, le plus célèbre des astronomes babyloniens avait calculé que la durée du mois synodique moyen était de

29 jours 12 heures 44 minutes 3,3 secondes
soit 0, 4 seconde de différence avec la valeur moderne : 
29 jours 12 heures 44 minutes 2,9 secondes

Bigourdan (8) précise que «l’erreur du mois synodique de Kidinnu est si faible qu’après 5 000 lunaisons (environ 400 ans) la Lune ne se serait pas déplacée de plus de la moitié de son diamètre»


 (8) Bigourdan Guillaume, 1911, L’astronomie, Evolution des Idées et des Méthodes, éd. Flammarion.



Les premières éphémérides lunaires babyloniennes remontent au règne d’Assar-Hadon qui précède celui d’Assurbanipal (668-627) ; elles ne cessèrent de s’améliorer après des siècles d’observation continus. En 533 avant notre ère, l’astronome babylonien Kaksidi savait déjà que la Lune effectue 361 tours dans le zodiaque en 334 lunaisons. En 330 avant notre ère, Kidinnu avait encore perfectionné ces calculs :

«la Lune, dans le même temps, revient 3 008 fois devant la même étoile et 2 783 fois devant le Soleil».

Ces valeurs chaldéennes, adoptées par Hipparque au IIe siècle B.C, conduisent à un mois sidéral de

27 jours 7 heures 43 minutes 14,0 secondes 
soit 2,5 secondes de plus que les valeurs modernes : 
27 jours 7 heures 43 minutes 11,5 secondes

La durée du mois synodique est une valeur moyenne tandis que le mois sidéral a une durée constante. En effet lors d’un mois sidéral la Lune parcourt une orbite complète de 360° mesurée devant un repère fixe, une étoile lointaine ; il y a dès lors un équilibre absolu entre les tronçons parcourus à vitesses plus rapides, au voisinage du périgée, et à vitesses plus lentes, au voisinage de l’apogée, ainsi la durée d’un parcours de 360° demeure une valeur perpétuelle au cours des siècles.

Sidéral et synodique, deux mots courants dans le langage des astronomes, mais, vraiment, pas de quoi être effrayé.

Sidéral. En latin il y a deux mots pour désigner les étoiles :
stella qui a donné constellation, quand plusieurs d’entre elles forment une figure. Les grecs utilisent alors le mot zodion d’où zodiaque désignant les constellations d’animaux (zoon en grec) (zoologie, la science des animaux).
sidus, eris, comme ici, c’est l’autre nom latin pour étoile qui a donné sidéral en français ; mais aussi considérer, scruter attentivement, comme pour les étoiles, et son dérivé considération, une marque d’attention et même d’estime

Synodique. Cet adjectif synodique signifie une conjonction d’astres : leur rendez-vous. Le rendez-vous du Soleil et de la Lune comme dit la chanson ou, tout aussi bien, les conjonctions de Jupiter et de Saturne qui se produisent tous les 20 ans. Un synode est une réunion. A l’origine, hodos, le nom grec signifie le chemin, d’où, pour les astronomes, la période. Comme nous l’avons vu les mesures des astronomes chaldéens étaient quasiment aussi précises que celles de Le Verrier. Distinguons le fait que la durée du mois sidéral est constante, tandis que celle du mois synodique est une moyenne entre 29 jours 5 heures et 29 jours 20 heures, car la Terre décrit une ellipse autour du Soleil. C’est par des raisonnements forts simples, du type de ceux de notre école primaire d’autrefois, que les astronomes babyloniens avaient établi la relation stricte entre le mois sidéral, le mois synodique et la durée de l’année.

Ci-joint un problème du Certificat d’études en 1911 :
La Lune effectue un tour dans le zodiaque en 27 jours.
Le Soleil effectue un tour dans le zodiaque en 365 jours.

Question : Quand la Lune reviendra-t-elle devant le Soleil ?
Réponse : Au bout d’1 jour, la Lune aura déjà parcouru 1/27 tours et le Soleil 1/365 tours seulement. En 1 jour la Lune aura donc pris une avance de 1/27 – 1/365 = (365-27)/27x365 =338/27x365 = 1/29 tour. Et pour prendre 1 tour d’avance la Lune mettra 29 jours.



Aujourd’hui on aborde le problème au lycée après avoir acquis une première notion des vecteurs et débuté l’algèbre et la trigonométrie. On applique la méthode des vitesses angulaires aves ses « oméga égal 2 pi sur T », ses périodes qui sont inverses des fréquences. Comme cela ne suffit pas, pour des questions de signes, il faut faire attention à bien distinguer entre le cas des planètes supérieures et des planètes inférieures.

Simplicius, commentateur d’Aristote rapporte que «lors des conquêtes d’Alexandre, l’astronome grec Callisthène avait recueilli et envoyé à son oncle Aristote des observations d’éclipses dont les plus vieilles remontaient alors à 1903 ans à 1971 ans selon Epigénès. Les mesures vraiment astronomiques débutèrent sous le règne d’Assurbanipal, VIIe siècle B.C., deux à trois siècles furent nécessaires pour suivre certaines périodes lunaires. Dominique Cassini rapporte qu’Hipparque avait utilisé une période chaldéenne de 5293 retours de la Lune du côté du Dragon en 5458 mois lunaires ce qui fait 200 ans d’observation en continu une performance qui suppose des Ecoles d’astronomie parfaitement organisées. Une astronomie chaldéenne qui atteint son apogée avec son plus grand astronome, Kidinnu au IVe siècle B.C..

Nous voyons que 11° 05’ 05’’ par jour, vitesse minimum à l’apogée, et, 13 à 14 jours plus tard, 15° 14’ 35’’ par jour, vitesse maximum au périgée, constitue une accélération importante de la vitesse, 38%, assez facile à mesurer à l’œil nu. La variation en distance, entre l’apogée et le périgée, est plus faible 14% ; toutefois les grecs avaient mesuré que le diamètre apparent de la Lune changeait de 11 à 12 entre l’apogée et le périgée. En astronomie une découverte « par la vitesse » précède souvent une découverte « par la distance » ; les planètes extrasolaires furent découvertes parce qu’elles introduisent des variations de vitesses de l’étoile principale autour du barycentre du système. C’est en s’appuyant sur la loi des aires qui régit la vitesse angulaire des planètes que Képler finit par découvrir, 9 années plus tard, l’ellipse qui définit la distance.



Comment les astronomes chaldéens procédaient-ils ? Pour cette première étape ils avaient uniquement besoin d’une clepsydre : ils pouvaient régler à volonté cette horloge à eau, par exemple pour qu’elle se vide en 3 heures.

  •  Première observation du ciel, cette nuit-là la Lune est alors à son apogée. On attend que la Lune soit proche d’une étoile afin de pouvoir mémoriser la position de départ, on déclenche alors la clepsydre, à l’heure H. Aujourd’hui, au cours d’une soirée télé, on peut profiter des intermèdes publicitaires pour aller à la fenêtre suivre ce déplacement de la Lune ; des intermèdes de plusieurs minutes laissent le temps à notre œil de s’adapter à l’obscurité. Au terme de 3 heures, H + 3, la clepsydre s’arrête et l’on peut constater que la Lune d’est déplacée de 3 fois son diamètre.
  •  Deuxième observation, 13 ou14 jours plus tard, la Lune est alors à son périgée, puisque d’apogée à apogée il y a 27,5 jours. On attend l’heure H où la Lune arrive à l’aplomb d’une étoile quelconque qui va servir à mémoriser le point de départ, on ouvre alors le robinet qui déclenche la mesure du temps. A l’heure H + 3 la clepsydre s’est vidée, on constate que la Lune s’est déplacée de 4 fois son diamètre. 


Avec une arbalestrille ou bâton de Jacob muni d’une traverse coulissante, ou une planchette avec quelques repères d’angles gradués, les astronomes Chaldéens n’avaient aucun chance de mesurer les déplacements de la Lune à quelques secondes d’arc près mais ils pouvaient atteindre une précision de 30’ d’arc soit un diamètre lunaire :

  •  Première expérience, au voisinage de l’apogée. Le Ier jour on attend que la lune soit proche d’une étoile-mémoire que l’on a identifiée. Le lendemain on constate que la Lune s’est déplacée de 11° soit 22 fois son diamètre. 
     Deuxième expérience, au voisinage du périgée 13 à 14 jours plus tard. Le Ier jour idem, on attend que la Lune soit proche d’une étoile-mémoire. Le lendemain on constate que la Lune s’est déplacée de 15°15’ soit 30,5 fois son diamètre, notable différence.

Les chaldéens, nous dit Géminos de Rhodes, avaient calculé que la Lune effectue 717 révolutions, d’apogée à apogée, en 19 756 jours, soit un déplacement moyen extrêmement précis : 13° 10’ 35’’. Connaissant les valeurs extrêmes à 30’ d’arc près ils déterminaient alors empiriquement des tables de correction des déplacements (fonction palier ou fonction zig-zag) qui permettaient de se rapprocher au mieux des observations. Germaine Aujac(9), helléniste et astronome, cite une correction de 0°18’ par jour, du déplacement minimum au déplacement maximum. 


(9) Germaine Aujac, 1975, pp 95, 97 et 157 in Géminos de Rhodes, fl. 70-55 B.C., Introduction aux phénomènes, Les Belles Lettres, 1975



Certains, dès l’âge de l’école primaire, ont découvert l’anomalie de vitesse ou inégalité du déplacement de la Lune de l’apogée au périgée en consultant le calendrier des P et T. En effet ce phénomène savant se traduit par une durée variable de la Nouvelle Lune à la Pleine Lune 14, 15 ou 16 jours. Ainsi, pour 2012, en janvier et février il s’écoulera 14 jours de la N.L à la P. L. car la Lune, alors au périgée, va plus vite, tandis qu’en juillet et août de la même année, il s’écoulera 16 jours de la N.L. à la P.L. car la Lune, désormais à l’apogée, sera alors plus lente.

Comme la Lune revient au périgée tous les 27,5 jours, en décalage de 2 jours avec la phase lunaire qui revient tous les 29, 5 jours, la Lune sera au périgée tantôt à la Nouvelle Lune tantôt à la Pleine Lune. Pour notre marsupilami, un an plus tard environ, en janvier 2013, la Lune était au périgée lors de la Nouvelle Lune et on avait retrouvé 14 jours entre N.L. et P.L.

Tout ceci était évident pour les chaldéens et tous les peuples qui avaient un calendrier lunaire, la pleine Lune étant alors les 14, 15 ou 16 du mois. 

Pour comprendre la loi des aires de Képler il faut regarder la remarquable vidéo de l’ESO, l’Observatoire européen austral, sur le site https://www.eso.org/public/france/videos/eso0226a/. Cette vidéo montre la rotation d’une étoile autour du Trou Noir situé au centre de notre Galaxie. 

Nous voyons très bien l’accélération de l’étoile quand elle approche de son périgée, c’est la même chose pour les planètes autour du Soleil, et pour la Lune autour de la Terre


Au début des années 2000 des astronomes de l'ESO et de l'institut Max Plank ont enregistré une longue suite d'images (10 ans environ) au VLT  de Paranal (Chili) au centre de notre galaxie. Ils ont ensuite assemblé celles-ci pour créer la vidéo que nous avons sous les yeux.
Une étoile, baptisée S2, accomplit une trajectoire éliptique, à une vitesse de 5000 km/h. Nous pouvons observer que sa trajectoire se courbe rapidement et sa vitesse s'accélère en approchant une très grosse masse invisible. La période est d'environ 15 ans.

Quel est cet objet invisible capable de modifier aussi rapidement l'étoile S2 ? Il n'y a aucun doute, c'est un Trou noir, celui du centre de la Voie Lactée. S2 passe alors très près de celui-ci. Il a été baptisé Sgr A (Sagittarius A) C'était la première fois que nous avions la preuve de son existence. Il est aussi à noter que d'autres objets sont aussi en orbite. Ils finiront tous par être absorbé par le "monstre"

En 2006, une équipe de chercheurs japonais a, semble-t-il, détecté la présence d'un autre trou noir, à 200 années lumière de Sgr A

Crédit photo/Vidéo : ESO


Carte extraite de Histoire Universelle tome 2 l'Egypte et le Moyen Orient sous l'Antiquité, 2006, Ed le Figaro Collections.

C’est à Babylone, après sa conquête par Alexandre le Grand, que Callisthène, un savant grec d’envergure et ami d’Aristote, eut accès aux éphémérides astronomiques des Babyloniens, gravées sur des tablettes d’argile. 

Les astronomes chaldéens qui, les premiers, avaient su reconnaître quel jour du mois la Lune atteignait son apogée, remarquèrent vite que ces retours successifs à l’apogée s’effectuaient sensiblement dans le même signe du zodiaque, mais se décalaient progressivement, de mois en mois, vers les signes suivants. Ils venaient ainsi de découvrir que la direction apogée-périgée de la Lune tournait dans le zodiaque, un phénomène séculaire

Pendant des siècles ces astronomes comptèrent et enregistrèrent sur leurs tablettes les retours successifs de la Lune devant la même étoile, c’est le mois sidéral, et ses retours à l’apogée, c’est le mois dit «anomalistique». Les éphémérides perpétuelles de Kidinnu, IVe siècle, déchiffrées et analysées par Kugler* indiquent : 

 en 345 ans, la Lune est revenue 4612 fois devant la même étoile 
et 4573 fois à son apogée 
dans ces éphémérides perpétuelles on trouve également la relation
117 retours à l’apogée au cours de 118 tours dans le zodiaque 

Ainsi, la durée du mois anomalistique calculée par les chaldéens était 27 jours 13 heures 18 minutes 34,7 secondes 
avec une différence de 4,6 secondes par rapport aux valeurs modernes 27 jours 13 heures 18 minutes 39,3 secondes 

Autre conclusion. Etant donné qu’en 345 ans, la Lune est revenue 4573 fois à son apogée au cours de 4612 tours dans le zodiaque, on en déduit une différence 39 cycles en 345 ans, d’où 1 cycle en 8,846 ans. Ainsi les chaldéens avaient calculé que la direction de l’apogée lunaire fait un tour dans le zodiaque

en 8 ans 309 jours,

Magnifique résultat à comparer avec notre valeur internationale (Danjon (11)) 

8 ans 310 jours. 


(10)  Kugler Franz Xavier, S. J., 1900, Die babylonische Mondrechnung. 
(11) Danjon André,1952-3, Astronomie générale, Astronomie sphérique et Eléments de Mécanique céleste, p 286, mouvement séculaire de l’apogée-périgée, édition Sennac

Sur l’image une maquette tente de reconstituer l’Etéménanki, la tour de Babel ; cette Maison du Ciel et de la Terre, devenue un mythe, marquait l’ambition d’atteindre le firmament. Voici la description de l’Esagil par Hérodote* «ce sanctuaire aux portes d’airain de Bel Mardouk (le dieu de Babylone) existait encore de mon temps ; il forme un carré de deux stades sur toutes ces faces. Au milieu du sanctuaire est bâtie une tour massive, l’Etéménanki longue et large d’un stade, sur cette tour se dresse une autre tour, sur celle-ci de nouveau une autre, jusqu’à huit tours. La rampe qui y monte est construite extérieurement, en spirale autour de toutes les tours; vers son milieu on trouve une station et des sièges pour se reposer, où ceux qui montent s'asseyent et se délassent». Diodore* de Sicile, venu plusieurs siècles après Hérodote, rapporte : «ce temple étant absolument ruiné, nous n’en pouvons rien dire de bien exact ; mais on convient qu’il était d’une hauteur excessive, et que les Chaldéens y ont fait leurs principales découvertes en astronomie, par l’avantage qu’il y avait d’observer de là le lever et le coucher des astres».

A droite la majestueuse porte d’Ishtar, la déesse du ciel. A gauche la planète Vénus, la déesse Ishtar des Babyloniens. La porte d’Ischtar, restaurée sous Saddam Hussein, est magnifiquement décorée de briques émaillées, représentant maints dragons légendaires. Un dragon céleste qui «avale la Lune ou le Soleil lors des éclipses» selon la légende. Cette légende, liée aux éclipses, a pour origine la constellation du Dragon qui serpente entre la Petite Ourse et la Grande Ourse. C’est en effet à la Tête de ce dragon que se situe le pôle du grand cercle écliptique qui est le lieu des éclipses. Le plan de l’orbite lunaire étant incliné de 5° sur l’écliptique, la Lune, chaque mois, sera située tantôt au-dessus, au Nord, tantôt au-dessous, au Sud. Pour prévoir le éclipses il est donc primordial de connaître le jour du mois où la Lune recoupe l’écliptique et revient du côté de la constellation du Dragon. Cette période draconitique, le nom du dragon est resté dans le langage, est légèrement différente de la période sidérale.

On ne sait s’ils scrutaient le passage de la Lune au nord de l’écliptique tracée par les 36 étoiles-repères ou s’ils surveillaient le soir où l’azimut du coucher de la Lune venait au nord de celui du Soleil. L’essentiel était de compter sans failles ces passages du côté de la constellation du Dragon pendant des siècles.


Hérodote, vers 484 à 425, Histoires, in Clio, §181, p. 97et 775
Diodore de Sicile, vers 90 à 20, Bibliothèque historique, livre II, tome I, page 238.



Un dragon légendaire en briques émaillées bleues et dorées.…un dragon… à tête et à queue de serpent…le corps recouvert de plumes d’aigle ou d’écailles…avec des pattes de félin…et serres d’aigle aux pattes arrière…

Kugler*, 1900, rapporte les mesures de Kidinnu , IVe siècle B.C. :
mois draconitique = 27 jours 5 heures 5 minutes 35,8 secondes
soit une différence de 0,2 seconde avec la valeur moderne :
mois draconitique = 27 jours 5 heures 5 minutes 36 secondes

Les cycles synodiques et draconitiques dérivés par Aaoboe* et Henderson sur les tablettes du saros chadéen déchiffrées en 1957 et 1968 ont permis aux assyriologues Aaoboe* et Henderson, 1975, de dériver la valeur du saros chaldéen : 

223 mois synodiques = 242 mois draconitiques 

Ptolémée rapporte, qu’à partir des mesures chaldéennes effectuées durant 441 ans et sans doute rassemblées par Kidinnu, Hipparque «…comparant encore les intervalles de mois entre deux éclipses extrêmes absolument semblables en grandeurs et en durées d’obscurcisement, ce qui prouvait le retour à la même latitude, montre que cette période s’achève en 5458 mois ou en 5923 révolutions en latitude mois draconitiques »

Ainsi selon Hipparque 5 458 mois synodiques = 5 923 mois draconitiques 

Les chaldéens et les grecs qui tentaient de prévoir les éclipses ont cherché à ajuster les périodes synodiques et draconitiques, car une éclipse de lune se produit toujours à la Pleine Lune, et seulement si la Lune est revenue dans le plan de l’écliptique. Dès lors l'ajustement des périodes sidérales et draconitiques : «241 mois sidéraux = 242 mois draconitiques» dans un saros de 18 ans 10 jours, ne peut être parfait. L’ajustement parfait sidéral-draconitique, en longitude et en latitude, avec une différence de 1 cycle, se produit quand le plan de l’orbite lunaire a effectué un tour complet dans le zodiaque, après 18,6 ans : «249 mois sidéraux = 250 mois draconitiques». Cette relation semble être restée inconnue des chaldéens, et même d’Hipparque, auraient-ils vraiment compris le mécanisme sous-jacent de la rotation du plan de l’orbite lunaire. 


Kugler Franz Xavier, S. J., 1900, Die Babylonische Mondrechnung. Freiburg.
Aaoboe Asger and Henderson J., 1975, The Babylonian Theory of Lunar Latitude and Eclipses according to System A. Archives internationales d’histoire des sciences.
Ptolémée Claude, 150, Composition mathématique, traduite du grec en français par l’abbé Nicolas Halma, 1813 et 1816, et suivie des notes de Jean-Baptiste Delambre